Comment les Etats-Unis ont intégré des acteurs multiples à la gestion des crises majeures

Le National Incident Management System (NIMS) est une organisation standardisée, mise en place aux Etats-Unis pour fédérer l’ensemble des acteurs de la gestion des crises autour de référentiels et d’un langage communs. Une organisation de ce type est-elle transposable en France pour y améliorer la gestion des crises naturelles ou industrielles?

La structure fédérale de l’Etat américain, le rôle traditionnellement important des acteurs privés dans ce pays, ainsi que le poids du secteur associatif confessionnel et non confessionnel sont naturellement à l’origine de la multiplication des acteurs susceptibles d’intervenir dans la gestion d’une crise majeure. Plus qu’ailleurs encore, il était donc nécessaire de leur donner un cadre, des référentiels et un langage communs pour travailler ensemble. C’est ce qui a conduit à l’élaboration et à la mise en place du NIMS.

Les référentiels et langages communs permettent à chacun, même nouveau venu, de se repérer tout de suite dans une organisation de crise et de savoir qui y fait quoi. Cela est d’autant plus utile si les interlocuteurs se connaissent mal parce qu’ils n’ont jamais coopéré ensemble.

De manière basique, des codes visuels peuvent ainsi être particulièrement efficaces comme par exemple le port de gilets de couleur – chaque couleur correspondant à un domaine d’action – dans les salles de crise américaines. Il ne faut pas sous-estimer l’utilité d’une telle identification des fonctions des uns et des autres au vu du turn-over des acteurs potentiels de la gestion de crise, ou encore de la nécessité des relèves dans les hypothèses de crises longues qui impliquent que le 2ème ou 3ème représentant d’un service au sein d’une cellule de crise soit d’une part méconnu des autres personnes présentes et que d’autre part il ne soit pas lui-même familier de la structure.

De manière plus sophistiquée, la mise en place d’une structure, d’un vocabulaire et d’un référentiel communs de gestion de crise, définissant notamment le rôle de chacun dans l’organisation, est une étape supplémentaire qui a été franchie avec le NIMS, système désormais partagé par l’ensemble des acteurs privés et publics aux Etats-Unis.

Le NIMS découle d’une directive présidentielle de 2003 . C’est la doctrine de gestion des urgences utilisée pour coordonner la planification, la gestion des crises et la réponse des secteurs publics (état fédéral, états, comtés, villes) et privés (entreprises, ONG et secteur caritatif). Il s’agit d’une approche globale et nationale pour la gestion des incidents de toute nature (attentats, catastrophes naturelles ou industrielles), qui s’applique à tous les niveaux de compétences et dans toutes les disciplines fonctionnelles, qui permet aux acteurs de travailler ensemble pour prévenir, protéger, faire face aux incidents.

La directive présidentielle de 2003 exige que tous les organismes fédéraux adoptent le NIMS pour la gestion des crises, ainsi que pour les programmes de prévention et de préparation. C’est d’ailleurs une condition d’obtention des subventions et du soutien du gouvernement fédéral depuis 2005.

Les principes du National Incident Management System sont les suivants :

• Une approche standardisée pour la gestion des crises, évolutive et flexible (applicable à tout type d’incident), avec une terminologie, des structures organisationnelles et des procédures communes.

• Le renforcement de la coopération et de l’interopérabilité entre les intervenants, afin d’assurer que les différents acteurs sont en mesure de communiquer en utilisant un langage simple et des systèmes interopérables, notamment en matière de transmission des données.

• La coordination efficace des ressources entre les administrations, le secteur privé et  les ONG : la gestion efficace des incidents suppose un système d’identification des ressources disponibles pour permettre un accès rapide et facile à celles-ci. La gestion des ressources dans le NIMS comprend des accords d’aide mutuelle, l’utilisation de ressources fédérales, des états, des comtés, des municipalités et des protocoles de mobilisation des ressources des acteurs privés.

• L’intégration des meilleures pratiques et des leçons de l’expérience : le NIMS englobe un cycle continu de planification, d’organisation, de formation, d’équipement, d’exercice, d’évaluation et de prise de mesures correctives.

L’Incident Command System (ICS), concrétisé par un organigramme type, est le cadre interdisciplinaire de commandement et de procédures pour la gestion des crises. Ses principes et objectifs sont de permettre à des personnels provenant d’une grande variété d’organisations publiques ou privées d’avoir un cadre commun et connu de gestion de crise et de venir s’insérer dans une organisation dont l’organigramme type et les modes de fonctionnement sont connus à l’avance.

Le NIMS peut-il être transposé en France ?

Une approche similaire doit être envisagée en France, d’autant que l’on ne part pas de rien en la matière avec un système de gestion de crise qui est globalement connu de l’ensemble des acteurs en ce qu’il est placé sous la responsabilité du préfet, ainsi qu’un  système de planification et de préparation des crises de sécurité civile dont au moins l’appellation est connue puisqu’il s’agit d’ORSEC . Mais ni ce système de gestion de crise, ni ce système de planification ne permettent en l’état une approche globale, en étant essentiellement construits autour des crises de sécurité civile et du secours, alors que le NIMS est destiné à couvrir tout le spectre des crises, qu’elles soient d’origine anthropique ou naturelle, volontaire ou non.

L’objectif en France, pour tenir compte de l’émergence d’acteurs nouveaux dans la gestion de crise (les collectivités territoriales, les opérateurs, les associations agréées de sécurité civile) qui accompagne un retrait progressif de l’ Etat, pourrait être, à partir de cet existant, de définir une organisation de gestion de crise standardisée et un système de planification permettant une telle approche globale.

Cyril ALAVOINE a écrit cet article à partir d’une étude collective confiée par la FNEP à une mission constituée de cadres d’entreprise et de l’administration.

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