La gestion des crises majeures en Italie : efficacité de la réponse publique et sociale, implication des entreprises

Les divers acteurs concernés : associations de volontaires, services de secours, autorités publiques et entreprises se saisissent de la problématique et laisse leur inventivité s’exprimer pour améliorer la prévention et la gestion.

L’Italie est confrontée depuis des siècles à de nombreux risques majeurs qui au fil du temps ont pris et prennent encore des formes très diverses : éruptions volcaniques, séismes, tornades, risques industriels, risques alpins, incendies de forêt…

Aujourd’hui, on constate l’importance du volontariat et de l’implication de la population civile dans la gestion de crise. L’expérience séculaire des crises de grande ampleur a vraisemblablement marqué la population et développé la solidarité dans de telles circonstances. Cette implication est aussi, semble-t-il, en lien avec une confiance relativement limitée de la population dans les autorités. Il y a actuellement 600 000 volontaires réellement actifs, soit 1 % de la population, et un total de 1,2 million de volontaires recensés.

Leurs compétences sont très variées, maîtres-chiens, médecins, psychologues… S’ils sont les principaux acteurs de la lutte contre les feux de forêt, ils ne s’occupent pas nécessairement dans les autres situations des missions de search and rescue  les plus valorisantes, mais plutôt des actions d’accueil des réfugiés (montage et gestion des camps d’accueil), de soutien à la population (animation pour les enfants…) et de prévention (actions d’information en porte-à-porte pour les riverains de zones industrielles par exemple). Le recrutement de volontaires ne s’essouffle pas, au contraire ; des volontaires sont recrutés dans toutes les tranches d’âges de la population.

La forte implication de la population dans la gestion de la crise pourrait aller de pair avec un bon niveau de connaissance, par l’ensemble de la population, des risques auxquels elle est exposée. Cette connaissance n’est cependant visiblement pas généralisée, d’autant plus que les programmes scolaires ne prévoient pas systématiquement cet enseignement. Ainsi, les citoyens milanais, exposés à des risques d’ampleur modérée, identifient plutôt la protection civile comme un acteur envoyé pour aider dans les crises extérieures à la ville que comme un acteur pouvant intervenir localement.

Par le nombre important de ses interventions, la protection civile italienne bénéficie d’une solide expérience des crises. En cas d’urgence nationale, la Protection civile, qui dépend directement de la Présidence du Conseil, ce qui garantit son « interministerialité », chapeaute les plus grands ministères (dont le ministère du Budget) ainsi que les grands réseaux. Cette structuration réduit considérablement le temps de coordination et de première intervention lors de la survenue d’une crise majeure.

En ce qui concerne l’implication des entreprises dans l’anticipation des crises, plusieurs exemples particulièrement intéressants peuvent être cités, qu’il s’agisse de mise en réseau de systèmes de surveillance entre acteurs publics et privés ou de professionnalisation des entreprises dans la réponse aux crises.

À Milan, les gestionnaires d’infrastructures critiques (transport urbain et périurbain, autoroutes, aéroport, réseaux énergétiques, etc.) se sont mis en réseau par un outil multimédia partagé. À chaque fois que l’un d’entre eux gère une situation d’urgence, il en informe les autres, afin que ceux-ci puissent anticiper des effets domino sur leur propre organisation, collaborer pour gérer au mieux la communication à destination du public et, le cas échéant, proposer leur aide dans la gestion de la crise. Il ne s’agit pas ici d’une salle de crise, mais d’un système d’échange d’informations permettant de limiter ou repousser la survenue de la crise.

Sur le complexe pétrochimique de Marghera, un système de surveillance spécifique relie tous les détecteurs et stations de mesures des entreprises et ceux de l’autorité publique (ARPA de Vénétie) à un réseau géré en continu par les autorités publiques. Les entreprises n’y ont pas accès bien qu’ils soient implantés sur leurs emprises. Dès lors qu’une alerte sur la qualité de l’air est détectée, ce réseau contacte les responsables des entreprises, informent les services de secours, et peuvent, si besoin, transmettre directement des alertes à la population via des panneaux à affichage variable et un système de SMS.

Le financement de ce dispositif est partagé entre acteurs publics, pour les investissements, et privés, pour les coûts de fonctionnement. La reproductibilité de ce système, qui suscite quelques critiques des entreprises pour un site dont l’activité industrielle diminue, est à analyser à la lumière des risques et des enjeux sur le site concerné, la situation de Venise/Marghera étant à cet égard particulière du fait de sa densité de population et d’activités.

Une entreprise a mis en place un système de suivi en temps réel et dans la durée des crises significatives extérieures à l’entreprise afin d’en tirer des expériences.

Une autre entreprise pratique une gestion de crise très largement automatisée ; afin d’éviter les situations de blocage psychologique et de ne pas multiplier les échanges oraux qui peuvent transmettre les peurs d’une personne à l’autre, chaque personnel impliqué voit apparaître sur son écran la liste des opérations qu’il doit effectuer et sait donc ce qu’il doit faire pas à pas, sans avoir à organiser ses pensées. La cellule de crise voit le déroulement de l’ensemble des opérations et peut identifier les actions qui prennent du retard pour correction.

L’organisation de la gestion des crises de moindre ampleur, réalisée sur le principe de subsidiarité, est complexe à décrire du fait de l’implication de différents niveaux institutionnels selon des schémas non répétitifs et d’un rôle de pilotage et décision probablement moins incarné qu’en France où le Préfet joue un rôle central. Cependant, la récurrence des crises et donc la grande familiarité avec le dispositif de réponse qu’en ont tous les personnels concernés permet, semble-t-il, une gestion tout à fait pragmatique et performante de ces crises.

Si la phase d’urgence est généralement gérée très efficacement, la phase de reconstruction pose souvent problème, notamment après les séismes : d’une part, il est difficile et coûteux de reconstruire des monuments historiques largement présents dans les villes italiennes, d’autre part, le taux d’assurance des particuliers est très faible, ce qui fait que peu ont les moyens de reconstruire. À cet égard, la situation française est largement plus favorable.

Floriane Torchin, membre de la mission FNEP 2012 dont le thème d’étude est « Risques majeurs industriels et naturels : gestion de crise, conditions d’efficacité de l’action publique et de l’action des entreprises ».

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